Compteur d'heures

Publié le par IWTW

Me voilà donc intérimaire, pour quelques petites semaines. Joie de se lever le matin, de retrouver un bureau, des collègues et surtout une occupation rémunérée. L'intérim c'est rigolo parce que ça me permet de travailler dans des univers où je n'aurais jamais mis les pieds autrement. Et comme je suis curieuse, j'apprends plein de choses !

Et là, je vous colle le bémol. Bah oui, il en faut bien un... Mais une précision avant d'entrer dans le vif du débat : j'oeuvre dans une toute petite entreprise (4 personnes) où les horaires sont souples, ce qui signifie en d'autres termes que je peux bien arriver à 8 ou 10h, ça ne fait ni chaud ni froid à quiconque. En contrepartie, on peut me demander de partir à 14h30 comme à 18h... ou de ne pas venir ! Et c'est bien là que le bât blesse. L'intérimaire est rémunéré à l'heure travaillée. Donc, la pause repas n'est pas comptée (ce qui me laisse dubitative mais pourquoi pas) et si un jour il n'y a pas assez de travail à me faire faire, eh bien on me demande de partir une fois finies les tâches ou même de ne pas venir une journée entière. Du coup, cette semaine avec le mardi férié, j'ai pas eu de pont (dommage, je serais bien restée au bord de la mer 3 jours plutôt qu'un et demi) mais je travaille un jour sur deux (et pas ceux m'auraient arrangée, évidemment). Ah, mes employeurs sont ravis et m'ont dit droit dans les yeux : "vous travaillez bien". Joli compliment, mais qui ne fera malheureusement pas bouillir la marmitte.

Voilà, la flexibilité du travail... Alors oui, je pourrais faire valoir que j'ai signé un contrat avec des horaires (indicatifs) qui portent sur cinq jours hebdomadaires mais je me vois mal arriver le matin et regarder les heures passer sans rien faire. Par honnêteté, je préfère rester chez moi, aller me balader, profiter des journées ensoleillées. Mais la vie flexible, c'est p't'être bien joli raconté comme ça, avec le sourire aux lèvres et un p'tit côté bohème mais curieusement ça fait moins rire ma banquière. Vous trouvez ça curieux ?
Alors ok, on peut bien sûr m'opposer que "c'est mieux que rien". Je répondrais : "c'est sans avenir". Parce comprenons-nous bien. Il est question de vie en général, de projets, de possibilités et pas juste de mettre autre chose sur un papier que les termes "sans activité" ou "chômeuse". Ca remonte certes le moral, ça redonne confiance en soi mais comment prévoir quoi que ce soit d'un mois sur l'autre quand le salaire est inégal, voir susceptible de varier de 30% ? Comment avoir l'esprit tranquille quand on ne sait pas le matin en se levant si le lendemain on ira travailler ou si on restera chez soi ? Comment négocier un prêt ? Comment assurer de manière générale à son bailleur, son propriétaire, son banquier (oui, toujours lui !) et à tous les organismes que l'on a autours de soi et auxquels il faut bien rendre des comptes de temps en temps que l'on disposera des sommes suffisantes d'un mois sur l'autre ? Ok, on peut lisser, mettre de côté les bons mois pour pallier aux suivants mais qui peut honnêtement dire qu'il vit sereinement dans ces conditions ?

La flexibilité du travail je ne suis pas contre, mais elle demande que soit repensée toute une partie de nos vies. On ne peut pas épargner ni à court, ni à moyen - alors à long ! - terme dans de telles conditions. On n'est pas en mesure de discuter sérieusement avec sa banque - et donc d'initier un quelconque projet. Comment sourire alors ?

Je ne veux pas faire dans le misérabilisme : j'ai la détente nécessaire pour rebondir, l'intérim n'est pour moi qu'un passage bref dans ma vie, même si j'y suis déjà passée et que j'y reviendrais peut-être à nouveau. Mais je pense à tous ceux et toutes celles que j'ai pu croiser. Ces personnes qui à 8h du matin se présentent tous les jours pour savoir s'il y a un poste de libre, qui vivent au jour le jour, la peur au ventre et sans avoir les moyens suffisants pour passer à autre chose. Ils sont certes payés à presque hauteur du salaire brut, ils ne sont pas à courir les entretiens, ils n'ont pas forcément à convaincre les employeurs de leur faire confiance mais combien trouvent des CDI corrects ? Combien continuent à écumer les différentes enseignes, à consulter leur compte chaque semaine pour s'assurer que tel ou tel prélèvement passera bien ?

Je m'interroge sur les valeurs qui font la norme et celles qui existent réellement. Car à côté du mythique CDI, il y a quand même une floppée d'autres statuts (freelance, indépendant, CDD, intérimaires, et j'en passe) qui sont le quotidien de bien des gens en France. Pourquoi certains méritent de travailler dans le confort et d'autres pas ? On me parlera de choix, je rétorquerai qu'il n'est pas toujours volontaire mais comme le disait si bien un cadre croisé lors d'un stage ANPE : "bah, si tu traînes trop, la vie se charge de t'enseigner la souplesse". En effet, celle des compromis, des rêves simples qui deviennent tous les jours un peu plus inaccessibles et dont on fait le deuil malgré soi. Alors, je ne peux qu'ironiquement citer un des participants à la foire télévisuelle d'hier soir  : "A 4 000 euros [net - NdA], vous trouvez qu'on est riche ? Moi je trouve que ce n'est pas gagner beaucoup."

Je vous laisse méditer sur cette belle phrase et rappelle que "le montant mensuel brut du SMIC sur la base légale de 35 heures est de : 1 254,28 euros " (source : http://www.anpe.fr).
Sur ce, je vous souhaite une belle journée !

Publié dans Humeurs

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article